#152 - Interview des Pépites - Festview | Les Pépites Tech

#152 - Interview des Pépites - Festview

Portrait de Les Pépites Tech
Les Pépites Tech
20/12/2021

1. Présentez votre pépite en quelques mots.Quelle est votre proposition de valeur ?

FestView est une encyclopédie musicale participative visant à agréger ses informations grâce à l’intelligence collective de ses utilisateurs. Ces derniers peuvent ajouter des artistes, festivals, albums, anecdotes, instruments, etc. créer des liens entre ces éléments et ainsi participer à la création de cette cartographie du monde de la musique et de son histoire. En contribuant, les utilisateurs gagnent des points, appelés FestPoints, qu’ils peuvent échanger contre des récompenses musicales comme des places de concert, des vinyles, des cartes cadeaux ou encore des instruments.
 

2. Comment avez-vous eu l’idée de ce projet et quel a été le problème rencontré ?

Je me trouvais au festival de Cabourg Mon Amour en juillet 2016. Mon meilleur ami, dont le nom de scène est Fhin, y faisait l’ouverture et je ne connaissais pas les autres artistes programmés. Etant donné qu’il y avait 2 scènes, je regrettais de ne pas avoir une sorte de Trip Advisor me permettant de voir la programmation ainsi que les avis des utilisateurs sur les artistes programmés.

Après quelques échecs pour trouver mon stage de fin d’études en école de commerce devant commencer en début d’année 2017, je me suis dit que cela ne pourrait être que formateur de me lancer dans une aventure entrepreneuriale. J’ai donc créé FestView, un guide des festivals. L’idée à l’époque était de montrer, via un site web, la programmation des festivals, mais également des vidéos, la discographie des artistes, les différents réseaux sociaux où on pouvait les retrouver, etc. Je souhaitais également y intégrer la réalité virtuelle en filmant des festivals avec une caméra 360° et ainsi permettre à l’utilisateur d’être au festival comme s’il y était.

Une première version du site a été réalisée avec WordPress par une agence web et j’ai commencé à faire des captations en 360°. Je me suis retrouvé confronté à 2 problèmes.

Le premier concernait la réalité virtuelle. N’ayant jamais fait de montage auparavant, j’ai découvert un métier bien plus complexe que je ne l’imaginais. Beaucoup de vidéos étaient en effet inexploitables parce que la caméra tremblait, la scène était trop sombre avec des flashs de spots trop intenses ou encore le DJ avait fait saturer notre capteur audio en augmentant le volume. Bien qu’aidé par un ami qui travaillait dans le secteur, peu de vidéos exploitables ont vu le jour et elles créaient peu d’enthousiasme chez ceux qui les regardaient. Je dépensais ainsi un temps et une énergie considérable dans une activité qui ne me plaisait pas particulièrement sans parvenir à réaliser mon véritable objectif : créer de la traction vers le site.

Le second problème concernait justement le site. En commençant à ajouter de l’information dessus, je me suis rendu compte que cela me prenait beaucoup trop de temps de répertorier l’ensemble des contenus. Grand fan de Wikipédia et n’y connaissant pas grand chose, je me suis dit qu’il fallait que j’engage des développeurs pour ouvrir le site aux utilisateurs afin qu’ils puissent ajouter eux-mêmes les informations. J’ai donc pris deux stagiaires en école d’ingénieur durant l’été 2018 afin qu’ils s’occupent de cette mission. Au fur-et-à-mesure qu’ils avançaient, le site devenait lent et je réalisais qu’il n’était pas possible d’arriver à mes fins. J’ai donc commencé en parallèle à apprendre à coder en regardant des vidéos de formation d’un certain Lior Chamla sur YouTube.

L’apprentissage fut difficile, mais je me suis mis à adorer la programmation. Une première version a vu le jour en milieu d’année 2019 tandis qu’en parallèle j’ai décidé d’arrêter définitivement la réalité virtuelle. Plusieurs essais ont été nécessaires avant de parvenir à rendre la bêta publique en septembre 2020. On a énormément appris de ces premiers échanges entre notre communauté et la bêta, ce qui nous a permis de dévoiler notre première version en novembre 2021.
 

3. Aujourd’hui, qui utilise votre solution ?

La plateforme est destinée à quiconque chercherait des informations supplémentaires sur des artistes, des albums, du matériel, etc. Avec FestView, nous souhaitons ainsi diffuser la connaissance au plus grand nombre tout en rendant accessible les informations les plus niches afin de répondre aux attentes les plus exigeantes.

Autrement, nous avons identifié 3 personae qui définissent nos utilisateurs.

Le premier s’appelle Clément. Il a entre 16 et 21 ans et est un jeune étudiant au lycée ou au début de ses études supérieures. Il aime le rap et dépense son argent de poche dans des logiciels de production musicale et des jeux-vidéos. Il passe énormément de temps sur son ordinateur / mobile et plus particulièrement sur Instagram, Tik Tok et évidemment FestView. Il contribue ainsi beaucoup pour gagner des récompenses musicales qu’il ne pourrait pas se payer autrement.

La seconde s’appelle Léa, a entre 18 et 24 ans et fait actuellement des études supérieures. Elle est particulièrement curieuse et s’intéresse à de nombreux genres musicaux. Elle part souvent en festival et apprend à jouer de la guitare et suit des youtubeurs pour parfaire son jeu comme le Campus Musique de Reda, Florent Garcia ou La Minute Utile du Musicien. Elle connaît d’autres compétiteurs mais préfère FestView qui a des fonctionnalités supplémentaires.

Enfin le troisième s’appelle Julien. Il a entre 35 et 56 ans et a découvert FestView via YouTube. Il a une personnalité musicale forte et est souvent expert en  blues, rock et / ou métal. Il va souvent à des concerts et festivals et passe bien entendu beaucoup de temps avec sa famille. C’est un utilisateur et non un contributeur, il va notamment sur FestView pour découvrir des informations et ainsi briller en société devant ses amis.

Enfin, pour donner quelques chiffres, nous avons aujourd’hui plus de 13 000 utilisateurs inscrits et 35% d’entre eux ont déjà contribué sur la plateforme.
 

4. Quel est le business model ? Est-il amené à évoluer ?

Il existe plusieurs business models qui peuvent être mis en place.

Le premier repose sur les contrats d’affiliation : nous permettons à nos utilisateurs de mettre des liens vers des sites où il est possible d’acheter un billet de concert ou encore un instrument. Les plateformes partenaires nous versent alors une commission sur la transaction réalisée. Ce business model est en train d’être implémenté.

Le second concerne les contenus sponsorisés. Etant donné que nous avons une communauté déjà très spécialisée, nous allons devenir des partenaires de choix pour des acteurs du monde de la musique qui souhaitent un taux d’engagement plus élevé que sur les médias traditionnels : artistes indépendants, labels, artisans luthiers, etc. Nous pensons que nous atteindrons le seuil critique de visiteurs mensuels nous permettant de devenir suffisamment attractif en 2022. L’idée serait alors d’avoir un feed de contenus infini dans lequel des contenus sponsorisés apparaîtraient de temps à autre comme sur Instagram ou Tik Tok.

Le troisième concerne directement les données que nous récoltons. Nous sommes en train de créer un mapping du monde de la musique. Les utilisateurs y sont aujourd’hui liés en y contribuant. Demain nous saurons également ce qui leur plaît à travers un système de likes et de votes sur les contenus. Ces informations supplémentaires seront particulièrement précieuses pour des tourneurs qui souhaitent savoir quels sont les artistes à programmer pour la saison des festivals ou encore quels influenceurs choisir pour faire du product endorsement.
 

5. Quelles sont les technologies que vous utilisez ?

Afin de sortir de notre phase de beta, nous avons réalisé une migration complète de la technologie que nous employons.

Nous sommes ainsi passés au back de PHP avec Symfony à Node.js (TypeScript) avec NestJS, conduisant à une réduction du nombre de lignes de code d’environ 40%.  Nous avons abandonné MySQL pour nous tourner vers une base de données NoSQL avec MongoDB qui nous accorde la flexibilité dont nous avons besoin pour relier tous les contenus entre eux et préparer l’internationalisation de nos serveurs.

Côté front, nous avons migré notre stack React (JavaScript) vers Next.js (TypeScript) qui est un framework permettant d’exécuter React côté serveur et par conséquent de considérablement améliorer nos performances et notre SEO. Nous avons commencé à développer notre application mobile à l’aide de Flutter, un framework développé par Google pour créer des applications qui fonctionnent à la fois sur iOS et Android particulièrement performantes.

Pour finir, nous comptons implémenter ElasticSearch afin d’optimiser l’indexation de nos contenus et ainsi pouvoir montrer à nos utilisateurs tous les liens qui existent entre les acteurs du monde de la musique.
 

6. Quels sont vos besoins aujourd’hui ?

Actuellement, notre besoin fondamental est de se faire connaître auprès du large public. Nous travaillons vers l’obtention d’une couverture médiatique optimale : principalement par le biais de relais avec des influenceurs, mais aussi avec une stratégie permettant de gagner en influence sur les réseaux sociaux. Bien entendu, il faut que notre produit évolue et s’améliore au fur-et-à-mesure que notre notoriété croît afin de répondre au mieux aux besoins de nos utilisateurs.

Pour répondre à ces problématiques, notre équipe est aujourd’hui constituée de trois Growth Managers qui s’occupent du marketing / business, un Product Manager, un CTO et deux Développeurs Fullstack. Nous avons une roadmap particulièrement fournie, avec des fonctionnalités qui ne demandent qu’à être développées et présentées à la communauté. Bien que toute l’équipe fournisse un super travail, il va de soi que nous pourrions aller beaucoup plus vite avec des développeurs supplémentaires. C’est la raison pour laquelle le besoin sous-jacent est de lever des fonds afin d’agrandir l’équipe.

Bien entendu il existe d’autres besoins, tel qu’un CFO pour m’épauler sur les tâches administratives / financières ou encore un Business Developer afin d’activer de nouvelles sources de revenu, mais le besoin principal actuel est avant tout technique.
 

7. Qui sont vos principaux concurrents ? Quelle est votre valeur ajoutée ?

Nous considérons tous les sites qui agrègent des informations liées à la musique comme nos concurrents et plus particulièrement les sites collaboratifs. Ainsi, Wikipédia - qui est à mes yeux le site le plus important de l’histoire de l’Humanité - constitue en soi un concurrent. Parmi les sites collaboratifs dédiés à la musique, il y a Genius et Musixmatch pour les paroles de chansons, WhoSampled pour les samples et reprises de chansons ou encore EquipBoard et WhatGear pour les instruments utilisés par les artistes. Parmi les sites non collaboratifs, on pourrait citer Last.fm ou même les plateformes de streaming puisqu’elles mettent à disposition des informations supplémentaires sur les artistes telles que la biographie, les événements et bien évidemment la discographie.

Plusieurs choses nous distinguent de ces compétiteurs.
Tout d’abord nous faisons beaucoup d’efforts pour proposer à nos utilisateurs une interface originale, belle et intuitive afin de leur fournir l’information la plus lisible qui soit. C’est un point sur lequel nous rivalisons déjà sérieusement avec Wikipédia, Genius, WhoSampled, etc.
Ensuite, nous avons pour objectif de mapper l’ensemble du monde de la musique, sans nous restreindre spécifiquement aux chansons ou aux reprises. Nous voulons ainsi que les  jeux-vidéos, films, partitions, labels ou encore studios et donc tous les sujets touchant de près comme de loin à la musique soient référencés sur FestView.
On pourrait ajouter que FestView est la seule plateforme musicale qui récompense ses utilisateurs pour leurs contributions, ce qui a un impact indéniable sur notre capacité à faire de nos utilisateurs des contributeurs.
Enfin, FestView est français. La version bêta était uniquement disponible en français et la V1 est désormais également accessible en anglais. Il y a je pense un problème dans l’environnement tech où on cherche absolument à tout traduire en anglais même si le service s’adresse en premier lieu à des francophones. Il semble évident que cela ait du sens pour des services s’adressant avant tout à des professionnels ou cherchant à s’exposer au monde entier. Je pense cependant qu’il faut aussi savoir sortir de son microcosme des grandes écoles et réaliser qu’une large majorité de la population a beaucoup de mal avec les langues étrangères.  
 

8. Où voyez-vous l’entreprise dans un an ?

C’est toujours délicat d’annoncer des réussites futures mais d’ici 1 an j’espère que nous aurons réussi notre Série A. C’est d’elle que découle la possibilité d’atteindre tous les objectifs à moyen et long terme de FestView. Elle nous permettra de faire grossir notre équipe et ainsi de pouvoir aller beaucoup plus vite dans l’exécution de notre vision.

Bien entendu, la réussite de cette série A est conditionnée par notre capacité à attirer de nouveaux utilisateurs et à bâtir une véritable communauté autour de la connaissance musicale. Il faut donc que nous continuions à développer le “réflexe FestView”, c’est-à-dire que FestView devienne automatiquement un outil de choix dans la tête des internautes lorsqu’il s’agit d’avoir une vision globale sur la vie d’un artiste, d’un club, d’une oeuvre, etc.

Cela passe par le développement d’une app mobile, une croissance à l’étranger et par le développement de nouvelles fonctionnalités. Cette popularité recherchée nous permettra d’être suffisamment attractifs pour que la majorité des récompenses présentes sur la plateforme soient proposées par des partenaires qui ont tout intérêt à mettre en avant leurs produits sur notre plateforme en échange de la visibilité que nous leur offrons.
 

9. Partagez avec nous un moment insolite (succès, échec ou moment fun)

Notre équipe s’est construite pendant la crise du Covid avec les difficultés que cela implique. Nous avons pour ainsi dire seulement télé-travaillé avec une équipe éparpillée géographiquement (l’un de nos développeurs vit même à Manchester).

Afin de souder notre équipe, nous avons organisé un séminaire d’une semaine à Bruxelles en octobre dernier. Nous avons loué une magnifique maison proche du centre et préparé de multiples ateliers tels qu’une initiation au Konnakol (une musique traditionnelle indienne) ou encore aux techniques de référencement naturel.

Je ne vais pas cacher qu’il y avait un sentiment particulier au sein de l’équipe avant la rencontre puisque plusieurs d’entre nous ne s’étaient jamais vus en vrai auparavant. Nous avions même l'habitude de faire des paris quant à la taille de chacun ce qui a conduit à quelques moments assez drôles. Mais la semaine s’est vraiment très bien passée. Nous avons tous appris à mieux nous connaître à travers ces discussions “de café” qu’il est beaucoup plus difficile à avoir lorsqu’on est en distanciel et je suis assez fier de pouvoir dire qu’il y a un état d’esprit vraiment bienveillant et authentique qui règne au sein de notre équipe.
 

10. Si vous aviez un conseil à donner aux entrepreneurs

C’est un conseil qui s’adresse particulièrement aux entrepreneurs de la tech mais je pense qu’il est impératif de bien choisir la technologie sur laquelle s’appuyer afin de mener à bien son projet. Nous avons pu en faire l’expérience, une transition technologique est un processus complexe, coûteux et chronophage qu’il faut tant que possible éviter, même si elle semble être la norme chez de nombreuses licornes.

Avoir fait le bon choix de la technologie dès le début de l’aventure entrepreneuriale peut apporter un avantage déterminant dans sa bonne exécution. Il faut se poser les bonnes questions, se demander de quel type de base de données on a besoin, quel langage, etc. De nombreux facteurs sont à considérer pour prendre de bonnes décisions, comme la popularité des technologies influençant la disponibilité des développeurs, la courbe d’apprentissage ou encore le rapport vitesse de développement / performance. Chaque situation est unique et nécessite une réponse appropriée.


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